Bernd et Hilla Becher
Daniel Buren
On Kawara
Julije Knifer
exposition temporaire
Autoportraits, 1949-1952
Olivier Mosset
présentations des collections / archives
Nord 2
en 1994
Roman Opalka
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Section des stylites
Bernd et Hilla Becher, Daniel Buren, Alan Charlton, Peter Dreher, On Kawara, Julije Knifer, Olivier Mosset, Roman Opalka
configuration précédente
L’art actuel a aussi ses ascètes qui vouent leur travail à l’exploration rigoureuse et bien souvent interminable d’un geste, d’une forme ou d’une procédure, le tout aboutissant à une œuvre d’une absolue cohérence sur laquelle le temps semble ne pas avoir de prise. Plusieurs d’entre eux sont réunis au sein du musée dans la Section des stylites.
On Kawara, par exemple, réalise, depuis 1966, des Date Paintings (ou peintures de date) selon un rituel immuable : utilisant généralement un tableau de dimension modeste posé sur une table, il peint en abrégé et en caractères typographiques la date du jour au cours duquel la peinture est réalisée. Roman Opalka a tracé, depuis 1965 et jusqu’à sa mort en 2011, la suite des nombres de 1 à l’infini
à la peinture blanche sur une toile d’une taille invariable qui n’est donc qu’un « détail » de l’œuvre. À partir de 1966 et jusqu’en 1975, Olivier Mosset peint un cercle noir de
15,5 cm de diamètre et de 3,25 cm d’épaisseur au centre d’un carré de 1m x 1m. Depuis 1972, Peter Dreher peint sur une toile aux dimensions immuables un seul et même verre disposé sur une table installée toujours au même endroit dans son atelier.
Chacun à sa façon, les autres artistes présentés dans cette salle (Alan Charlton qui, depuis 1972, voue sa pratique de la peinture à la seule exploration intemporelle de la couleur grise, Bernd (1931-2007) et Hilla Becher qui photographient et archivent systématiquement l’architecture industrielle produisant des images insituables dans l’espace et dans le temps, ou encore l’artiste d’origine croate Julije Knifer (1924-2004), le plus ancien dans cette salle, qui construit
une abstraction à partir de méandres) tentent d’épuiser plastiquement une vision de l’art qui contient en elle l’idée de l’infini).
Au-delà de la singularité de chaque démarche, un trait domine ces œuvres parfaitement rigoureuses : elles relèvent toutes d’une immersion dans la durée faisant de celle-ci la matière primordiale de l’art et de l’ascèse qui en découle. Ce dernier élément leur a valu d’être regroupées dans cette salle dont la désignation (Section des stylites)
fait référence à un moment fort singulier dans l’histoire.
Les stylites (du grec stulos qui signifie colonne) sont des ermites des débuts du christianisme qui plaçaient leur cellule au sommet d’une ruine, d’une colonnade, d’un portique ou d’une colonne pour y pratiquer une ascèse extrême. Le stylite le plus fameux fut Saint-Siméon qui vécut au cinquième siècle de notre ère. Il passa trente-sept ans sur une petite plateforme au sommet d’une colonne en Syrie, un espace tout juste suffisant pour se tenir debout ou assis, jamais allongé. À la manière des stylites dont l’existence délibérément contrainte semble n’avoir pour but que de suspendre le déroulement du temps, les œuvres réunies dans cette salle participent elles aussi d’une ascèse. Cette dernière, ici vécue sans religiosité, relève d’une pratique
inlassablement répétée de la peinture et de la photo qui rend ces images difficilement datables dans le parcours des artistes voire intemporelles. Elle participe aussi d’une vision de l’art traversée de toute évidence par une fascination pour la rigueur et l’économie, ce que l’on peut aussi
qualifier d’absolu.
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