Hôtel-Dieu, 2009-2010 |
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Victor Burgin, Hôtel–Dieu in cycle Futur antérieur, séquence d'hiver 2010 Vidéo en boucle avec son, durée 14’30’’ |
La plupart des pièces vidéos et photos-textes de Victor Burgin sont réalisées en réponse à des invitations à travailler dans un lieu particulier, généralement une ville ou un bâtiment. Ainsi, Hôtel D — la version originelle d’Hôtel-Dieu — était sa réponse à l’invitation du Mamco, pour le « Printemps de septembre » de Toulouse, à créer une œuvre qui se situerait dans deux espaces principaux de l’Hôtel-Dieu Saint-Jacques : la Salle des pèlerins et la chapelle adjacente. L’hôpital Saint-Jacques et la chapelle dédiée au saint ont été fondés au début du XIVe siècle. Bien que l’Hôtel-Dieu ne serve plus d’hôpital aujourd’hui, il demeure une étape pour les pèlerins en route vers le tombeau de saint Jacques, à Compostelle, en Galice. La Salle des pèlerins était antérieurement connue comme la « Salle des portraits des bienfaiteurs », selon la pratique, établie au XVIe siècle, qui consistait à honorer les donateurs en plaçant leur portrait à l’intérieur de l’hôpital. Aujourd’hui, il ne reste sur les murs de cette salle que cinq de ces tableaux. Comme on peut s’y attendre, les portraits des bienfaiteurs montrent des gens de haut rang. Parmi les cinq figures peintes, la plus frappante est celle de Marie-Thérèse de Bourbon, duchesse d’Angoulême. Son portrait est accroché en face de celui de Marguerite Bonnelasvals, identifiée sur l’inscription au pied du tableau comme « fille de service ». Personne n’a pu jusqu’ici expliquer l’apparition de cette humble présence dans la parade des illustres. Hôtel D comprenait quatre éléments : les deux espaces physiques de l’Hôtel-Dieu, une bande-image et une bande-son. La séquence d’images, assemblée à partir des photographies prises par l’artiste dans la Salle des pèlerins, était projetée en boucle dans une « boîte de visionnage » construite à l’intérieur de la salle elle-même. La salle montrée dans la boîte était donc la mise en abîme de la salle qui contenait cette boîte. L’« œuvre d’art », ici, était en bonne partie réalisée par le visiteur dans son va-et-vient entre l’expérience des salles réelles et celle de leur représentation. Un va-et-vient analogue s’instaurait entre les images réelles et projetées dans la Salle des Pèlerins et la voix que l’on entendait dans la chapelle adjacente. Plutôt que son équivalent anglais voice-over, l’expression française de voix off* paraît plus appropriée ici puisque le texte s’entendait non par-dessus les images mais à distance d’elles. Il était prévu, dès le moment de la commande, que l’œuvre de Burgin inspirée par Toulouse pourrait être reconfigurée pour être présentée hors de son contexte original. À cette fin, Hôtel D a été transformé en une simple projection dans laquelle on entend cette fois la voix off « par-dessus » les images. Le nouveau titre, Hôtel-Dieu, fait mémoire du lieu de la première installation ; il évoque plus généralement les autres institutions de ce type. Ainsi, de nombreuses villes françaises possèdent un « Hôtel-Dieu Saint-Jacques » ou ont donné le nom d’Hôtel-Dieu à leur principal hôpital. Hôtel-Dieu associe aux images de la Salle des pélerins des images d’une chambre d’hôtel à Chicago, de même que le texte tresse des éléments prélevés dans des écrits techniques et méthodologiques, des souvenirs vécus, des bribes de fiction et des données de caractère fantasmatique. Le final est ainsi une description quasi onirique d’une scène qui s’avère issue d’un célèbre tableau de Poussin (parfois nommé Et in Arcadia ego). On peut voir dans cette vidéo une métaphore de la condition de l’artiste contemporain, mi pélerin portant son œuvre à travers le monde, mi personnage « lost in translation ». * Curieusement, voice-over (« voix dessus ») se traduit en français par voix off (« voix du dehors »). (N.d.T.) (Ce commentaire s’appuie en partie sur une note de l’artiste.) |
Victor Burgin est né à Sheffield (Royaume-Unis) en 1941 ; il vit à Lagarde-Fimarcon (France) et à Paris. |