La carrière de Bernar Venet connaît deux périodes : la première de 1961 à 1970, le voit se détacher de la notion traditionnelle d’œuvre d’art et prendre part aux expériences les plus radicales de l’art conceptuel ; avec la seconde, qui débute en 1976, il se consacre à la création de formes et de sculptures inspirées par son expérience précédente.
B. Venet commence à travailler avec le goudron en 1961. Il réalise alors des peintures qui présentent des analogies avec lexpressionnisme abstrait du fait que le corps entier est impliqué dans lacte pictural à lexemple de lartiste Gutaï Kasuo Shiraga. Rapidement, il utilise une technique plus distanciée (une raclette) qui lui permet daborder plus froidement les problèmes de matière et de surface. Ces problèmes formels ainsi que la volonté de nemployer que des matériaux industriels afin déliminer toute trace dexpressivité se retrouvent dans les « Collages noirs » (1961) et dans les « Reliefs cartons » (1963-1965) où la peinture est appliquée au pistolet. En 1963 sajoute lidée de non permanence de la forme qui se concrétise dans le « Tas de charbon » avec lequel B. Venet anticipe sur les démarches rassemblées dans la seconde partie des années soixante sous les termes de post-minimalisme ou d« anti-form ». Auparavant, B. Venet avait procédé à des interventions dans la rue avec du goudron et du gravier des recherches proches de Fluxus comme le montre par exemple « Gravier Goudron », une composition musicale fondée sur le bruit dune brouette tirée sur un chemin de gravier. Lindétermination formelle du « Tas de charbon » trouve un écho dans « Recouvrement de la surface dun tableau » (1963) : B. Venet avait prévu que la surface du tableau déterminée par le collectionneur, qui avait aussi le choix de la couleur serait recouverte section par section, mois par mois, jusqu'à recouvrement complet de la surface. Cette pièce, comme les « Tubes » (1966), prépare le passage de B. Venet à un travail conceptuel qui repose sur lutilisation de diagrammes, toujours accompagnés de textes explicatifs, pour éviter quils ne soient perçus comme des tableaux. Partant de schémas mathématiques, B. Venet, qui réside alors à New York, projette des « blow up » agrandissements photographiques de pages de titre et de sommaires de livres scientifiques suivant un programme fixé : de lastro-physique et de la physique nucléaire (1967) à la logique mathématique (1970), en passant par la météorologie, la bourse, la sociologie et les sciences politiques. Les livres reproduits font partie de linstallation et sont donc accessibles au public. B. Venet propose également à des spécialistes de ces disciplines de donner des conférences dans un cadre artistique. Au terme de ce programme qui débouche sur labstraction pure, il met fin à son activité artistique.
Lorsquil la reprend en 1976, cest pour produire des toiles définissant des angles et des arcs, ainsi que des lignes indéterminées aux contours aléatoires. En 1979, cette réflexion, qui se fonde sur une recherche didentité de la forme et de la matière, débouche sur des reliefs, puis sur des sculptures auxquelles il donne parfois une dimension monumentale afin de les intégrer à lespace public. Parallèlement, B. Venet explore dautres médiums tels que le son et la photographie.
L’exposition met en évidence la prégnance du noir dans l’œuvre de B. Venet (des goudrons et des collages des années soixante aux photographies les plus récentes). Elle s’articule autour d’un environnement entièrement enveloppé de plaques de plexiglas noires réfléchissantes. En un mot, une expérience où la couleur, passée sa signification inaugurale — la rébellion, le refus de la communication — devient l’expression d’un « pessimisme méthodique, condition indiscutable de la liberté humaine ».
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