Vues partielles de l'exposition |
|
|
Yves Bélorgey, Immeubles, 1994-1999 in cycle Patchwork in Progress 7 et dernier |
Le sujet même des peintures de Yves Bélorgey des façades d'immeubles modernes marque clairement son intérêt pour l'espace public, pour la manière dont l'architecture conditionne la vie de tous les jours. Mais, ces peintures posent également la question du réalisme au sens où il s'agit pour Y. Bélorgey de créer un moyen de représentation sophistiqué, conscient de ses enjeux historiques, et tout à la fois apte à construire une communication relativement directe avec le public. En 1989, lors de sa première exposition personnelle (Galerie Nelson, Lyon), Y. Bélorgey crée par exemple ce lien avec l'espace public au moyen de trois grandes figures en pied qui faisaient toutes face aux visiteurs et qui, selon lui, n'avaient pour trait commun que d'« être acteurs et spectateurs du monde ». Dès 1993, Y. Bélorgey se focalise sur le problème de l'architecture moderne, une architecture fonctionnaliste qui, à partir de Le Corbusier et du Bauhaus, va s'universaliser pour aboutir à la constitution des grands ensembles résidentiels. La passion que Y. Bélorgey éprouve pour cette architecture qu'il qualifie de « révolutionnaire » car « elle est destinée à changer la vie », le pousse d'ailleurs à en recueillir la trace dans les différents pays où elle s'est répandue. Les légendes des tableaux détaillent ainsi scrupuleusement la ville où se trouvent ces constructions, le nom sous lequel elles sont désignées et leurs architectes, comme s'il s'agissait de réunir les données d'une documentation objective. Il est évident cependant que le travail pictural de Y. Bélorgey ne se réduit pas à un travail de documentation. Qu'elle soit frontale ou en perspective fuyante, comme c'est plus généralement le cas, la composition ne délivre jamais une vue d'ensemble dont le spectateur pourrait tirer l'impression de maîtriser l'espace. Y. Bélorgey s'efforce de fournir un maximum de détails et d'information, la perspective n'est jamais celle de l'urbaniste moderne qui domine la situation d'un point de vue aussi aérien qu'abstrait. La fragmentation est de règle, et l'expérience qu'en tire le spectateur est imprégnée de celle qu'il aurait s'il se mouvait dans l'espace même ; c'est, d'une certaine manière, le point de vue d'un usager. La volonté de Y. Bélorgey de replacer le corps au centre de sa pratique et du regard qu'il porte sur l'espace public en est certainement un des motifs les plus déterminants. Cette impression procède bien sûr de l'illusion et, c'est probablement à ce niveau que son travail est le plus intéressant. Y. Bélorgey, qui n'a pas fréquenté d'école d'art mais a suivi des études de droit et d'histoire de l'art, occupe une position relativement excentrique dans le champ artistique. Cela se ressent également dans les références discernables dans ses choix esthétiques : Ludger Gerdes, pour sa conscience du rôle de l'espace public dans la pratique artistique ; Bernd et Hilla Becher, pour leur inventaire photographique de bâtiments industriels en voie de disparition ; ou Jeff Wall pour son sens de la mise en scène. Mais Y. Bélorgey, dont la peinture s'oppose au photo-réalisme, s'inspire aussi des peintres de 'vedute' ou de ruines de la fin du XVIIIe siècle tels que Giovanni Pannini ou Hubert Robert. Du premier, il retient « sa science de l'espace », du second, « la fluidité de sa vision ». L'installation que Y. Bélorgey crée pour l'exposition est typique de la complexité de l'expérience qu'il propose au spectateur. Tous les tableaux seront en effet accrochés dans une salle dont les murs auront été tapissés. Les motifs de cette tapisserie — des carreaux de couleurs qui font référence aux façades de verre typiques des années septante — devraient provoquer un violent effet de distanciation. |
Yves Bélorgey est né en 1960 à Châlon-sur-Saône, il vit à Montreuil. |