Déjà invité en février 2000 à concevoir une grande intervention murale, Francis Baudevin revient au Mamco avec quatre propositions de même type qui ont cette fois pour particularité de servir de fond ou de décor à quatre accrochages thématiques. Quatre propositions constituant en fait une exposition disséminée dans le musée, glissée sous d’autres expositions et présentée sous un titre générique, « Acratopège », dont la définition laisse perler toute l’ironie, puisqu’il s’applique normalement aux eaux dites minérales qui ne disposent en fait d’aucune vertus particulières et qui sont donc parfaitement bénignes. Sa méthode fondée sur l’appropriation du graphisme commercial, du packaging liée à l’identité visuelle — abstraite — de produits ou de marques d’utilisation plus ou moins courante, est donc confrontée à un nouveau problème : celui de son lien (fût-il acratopège) avec les œuvres exposées, étant entendu que chaque proposition déterminera la perception de ces œuvres.
Ainsi, « Effenacé », sa réinterprétation de « Oh cet écho ! (Duchampiana 2) » est loccasion de jouer sur un monochrome de couleur ocre brun emprunté à un grand distributeur français de produits culturels récemment implanté à Genève. Lhéritage de Duchamp condensé dans « Oh cet écho ! » est donc revisité à la lueur dune double association : celle réelle de laccumulation du capital symbolique représenté par cette grande société et celle fictive de son principal slogan publicitaire (« agitateur culturel depuis 1954 »).
Avec « Mille-feuilles / Thousand Leaves », F. Baudevin porte son regard sur le principe même de laccrochage de la « Comédie humaine 2 ». Sa composition une stratification horizontale de trois tons relativement proches qui reprend le motif utilisé par une entreprise de pâtisserie industrielle pour conditionner ses mille-feuilles correspond à une clé de lecture aussi discrète quhumoristique, comme si les gestes, les rituels et les performances que retracent ces photographies formaient un mille-feuilles de mémoire, une sédimentation de couches que le spectateur aurait toutes les peines du monde à distinguer une fois quelles se sont mêlées dans lacte du regard et celui de la rumination intellectuelle.
Le même humour se retrouve dans sa proposition pour « Rétroviseur (Loués soient les grands hommes !) ». Judicieucement intitulé « Moulinsart », le motif dont s’inspire le « décor » destinés aux héros de la modernité conquérante est en effet tiré de la couverture interne des albums de Tintin et son chien fidèle, Milou. S’il y a donc bien un panthéon où peuvent se rassembler Matta, Le Corbusier, Lohse, Stella, Glarner, Toyen, Albers, Fontana…, il est explicitement renvoyé à celui des aventures du célèbre reporter de « La Dépêche » et aux tableaux imaginaires qu’occupaient originellement leurs héros : le Capitaine Haddock, Rastapopoulos, Tryphon Tournesol, Bianca Castafiore, le général Alcazar, Séraphin Lampion et les sbires du régime bordure… Telles sont les dernières surprises des échanges entre 'high' and 'low'.
Pour « Miroirs (Des usages de la photographie) », F. Baudevin a en revanche opté pour la discrétion. « Gardena » se limite en effet à une mince bande verticale où vient se décliner une charte de couleurs comparable à celle quutilisent les photographes pour garantir la fidélité chromatique de leurs reproductions. Discret, le geste serait donc aussi particulièrement pertinent. Il rappellerait quune salle dexposition est elle-même un espace de reproduction et que, même pour la photographie, le cycle des réapparitions toujours différentes du même est infini.
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