Il y a quelques années, Pierre Vadi transformait le parcours de son exposition en une errance incertaine et labyrinthique entre des parois de plastique translucide. Quelques poches arrêtaient la déambulation, vagues grottes d’un repli pariétal, dans lesquelles un serpent se lovait dans la chaleur imaginaire d’une lumière rouge. Léger frisson remontant des peurs cachées…
Pierre Vadi crée un monde habité de simulacres qui ont avec la « réalité vraie » un décalage si mince qu’il oblitère la lucidité, à peine le temps de le vivre mais avec une vivacité prégnante. Entre serre et couloirs sans retour, cet environnement enveloppant, construisant une architecte souple et mouvante accompagnant le déplacement du corps du visiteur, déterminait un territoire où l’homme, métaphoriquement, se confrontait à son animalité. C’est au coeur de cette désorientation des sens que s’est établi, depuis une dizaine d’années, le travail de P. Vadi. Désorientation physique immédiate, la géographie du lieu est bousculée et contraint le visiteur à expérimenter des espaces qui s’ouvrent et se referment, se replient et se détendent. Pour sa deuxième exposition au Mamco (Bleu ciel, géographiques était présentée en 2002), P. Vadi, collaborant avec Christian Dupraz, architecte, a projeté dans l’ensemble des salles du quatrième étage du musée, un parcours où architecture et sculpture se rejoignent dans une forme hybride interrogeant le lieu de l’exposition et la déambulation du visiteur. Sans échappée sur l’extérieur, les salles aux murs sombres, peu éclairées, s’organisent comme une structure homogène dense, « un noyau mental », dans lequel le visiteur, s’il perd ses repères, agit en se réappropriant les « séquences spatiales » qui lui sont imposées. Dans ce parcours, les œuvres qui se livrent ou se camouflent, se donnent à voir ou retiennent leur apparition, redoublent le sentiment de désorientation. D’une voûte céleste aux brillantes constellations inconnues, organisées comme un motif se reproduisant jusqu’à l’infini dont elles sont issues aux animaux de résine, incertains, aussi attirants que répulsifs, à des sphères de verre renfermant l’air expiré par des poumons humains ou des chaînes dont la douceur transparente entre en lutte avec l’idée de son modèle : chaque objet est un leurre qui détient une intrigue jouant de sa relation au réel et de sa capacité à inviter l’imaginaire à entrer dans le jeu. Leur résistance à une interprétation univoque et immédiate, à la construction d’une ligne narrative qui ferait de chacun d’eux l’élément constitutif d’une séquence linéaire, constitue un bloc de sens duquel de multiples récits peuvent se construire et tisser un des récits possibles de l’exposition.
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