Lexposition au Mamco accueille sa « Sculpture pour lintérieur dune chaussure ». Impossible de loublier une fois en place, elle irrite, elle fait mal et donne envie de lôter. Uwe Max Jensen travaille toujours ainsi, à l'image de cet irritant petit caillou qui se donne pour une sculpture. Il est le gêneur, le perturbateur, le poil à gratter humain qui met à rude épreuve louverture desprit du visiteur. Faut-il jouer le jeu ? Ou se contenter d'en rire ?
Dans une logique duchampienne pleine d’humour, U. M. Jensen teste invariablement la tolérance de la compréhension de l’art et les limites de sa conception. La distinction qu’il opère entre représentation artistique et réalité triviale peut sembler ténue comme un trait de craie : « L’idée comme réalité, la réalité comme art ». C’est une exploration de la subtile frontière où l’œuvre d’art cède le pas à la réalité et vice-versa.
Lacceptation de la valeur artistique de lobjet dépend entièrement du public. Chez U. M. Jensen comme chez Duchamp, il y a un défi par rapport à une double dépendance : à lautorité et à la bienveillance des institutions.
Parmi les actions de U. M. Jensen, on trouve « La Buanderie de Maman », où lartiste installe sa propre mère avec une machine à laver, un séchoir et un fer à repasser dans le hall de divers lieux dexposition (dernièrement à la Stockholm Art Fair 2002). Le public peut déposer son linge sale pour le retrouver propre et repassé à la sortie. Lartiste révère le temps précieux que les visiteurs consacrent à lart et les libère en retour de leurs tâches domestiques. De retour chez eux avec leur linge frais, ils perçoivent une dimension artistique dans les actes triviaux de la vie quotidienne.
U. M. Jensen refuse les réponses négatives des institutions qu’il sollicite pour l’exposition de ses œuvres. Toujours accompagné d’un communiqué de presse, il annonce une radicalisation de la fameuse œuvre de Manzoni avec « Pendant une semaine j’utiliserai exclusivement les toilettes du Musée des Beaux-Arts d’Aarhus pour chier » ou « Je vais chier assis à l’envers sur les toilettes de la Tate Modern » (action surréaliste). Comme un cheval de Troie, il s’introduit et mine l’autorité institutionnelle de l’intérieur.
À travers ses œuvres, U. M. Jensen fait du monde un laboratoire expérimental. Ses stratégies d’action transforment sa vie en performance de longue durée. Une poursuite pour dette et un défaut de comparution au tribunal culminent par un ordre d'arrestation et une cabale en Scandinavie. L’action est annoncée dans un communiqué de presse comme « Most Wanted Men III », une performance de décembre 2000 à mars 2001. U. M. Jensen reprend donc le titre d'Andy Warhol, qui rendait esthétiques des affiches de personnes recherchées, sappuyant lui-même sur « Wanted $2000 Reward » dont Duchamp avait fait une affiche fictive, se mettant lui-même dans le rôle du sujet recherché. Dans cette performance, U. M. Jensen vit personnellement le rôle du petit délinquant. Seul le communiqué de presse témoigne quil sagit de plus quune simple contravention dun projet artistique en fait légitime. Lart et la réalité sociale de lartiste sont inséparables. La performance « Most Wanted Men III » sest terminée quand l'artiste sest rendu de son propre gré au tribunal, qui la déclaré insolvable.
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