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  Mounir Fatmi

exposition temporaire
Permanent Exiles  

Mounir Fatmi 1
Mounir Fatmi 2
Mounir Fatmi 3

Vues partielles de l'exposition

Le Paradoxe, 2013

Mounir Fatmi, Permanent Exiles

in cycle Des histoires sans fin, séquence printemps 2015
du 18 février 2015 au 10 mai 2015


« De l’exil, j’ai fabriqué des lunettes pour voir. » Ayant volontairement quitté le Maroc, le pays de sa naissance  et de sa première formation intellectuelle, Mounir Fatmi vit dès lors avec la conscience aiguë de la séparation, du déplacement, du poids de l’identité « le pire héritage que vous puissiez recevoir ». Il vaut mieux, pour paraphraser Paul Bowles (un des auteurs dont M. Fatmi est le plus proche) être voyageur que touriste, c’est-à-dire,  ne pas accepter sa propre civilisation sans objection mais la comparer à d’autres et « en rejeter les éléments qu’il désapprouve ».


Intitulée Permanent Exiles, l’exposition de Mounir Fatmi au Mamco aborde les thèmes qui traversent de manière récurrente l’ensemble de son travail : l’identité, l’histoire, le corps, le langage. Toutes ces questions parlent de l’exil, de la séparation, de l’impossibilité du langage et disent combien la rencontre est difficile. Comment résoudre ce moment intense et crucial de la séparation, même si celle-ci est délibérée. Il demeurera inéluctablement « l’avant et l’après ». Cette fracture existentielle est littéralement traduite dans certaines sculptures de M. Fatmi : ainsi The Paradox (2013). Sur la lame circulaire d’une antique machine à aiguiser, taillées dans l’acier, des lettres en calligraphie arabe reprennent une ligne du Coran à propos du monothéisme et d'une machine à remouler. Lorsque la machine tourne, le texte perd son sens. Des reliques d’écriture sont dispersées à côté de la machine et sont prêtes à être aiguisées.

Lettres, mots, phrases, le langage traverse la pratique de M. Fatmi. Apparaissant fréquemment en surimpression sur une image, il est facteur de sens mais aussi agent provocateur d’un voyage au-delà de l’image, par essence incomplète. Les multiples superpositions de symboles, de cercles, d’écritures ne peuvent satisfaire le regard rapide, elles lui imposent de s’attarder, d’aller au-delà de ce qui est donné. La vidéo The Blinding Light (2013) est basée sur une peinture de Fra Angelico intitulée Laguérison dudiacre Justinien (1438-1440). M. Fatmi se concentre sur un étrange acte médical pratiqué par saint Côme et saint Damien : la greffe d'une jambe noire sur le corps blanc du diacre Justinien. Nés en Syrie, Côme et Damien, convertis au christianisme, seront martyrisés et décapités pour leur pratique de la médecine. Passionné de science M. Fatmi superpose l’image de la peinture de Fra Angelico et l’image d'une salle de chirurgie contemporaine inondée de lumières et de technologies. Dans ce métissage inouï, la transparence des images fusionne la religion et la science, la croyance et le savoir, le passé et le présent.

Ne serait-il  pas temps de cesser de penser l’autre comme l’étranger, d’échapper aux diktats ethniques ou religieux ? M. Fatmi a mené une enquête sur Salman Rushdie qu’il considère comme une « vraie voix critique ». Dans une série d’œuvres réalisées sous le pseudonyme de Joseph Anton, également utilisé par Salman Rushdie pour décrire sa vie clandestine à la suite de la Fatwa de mort lancée contre lui, M. Fatmi réalise trois portraits-photomontages  de Joseph Conrad, Anton Tchekhov et Salman Rushdie ainsi qu’un film expérimental intitulé Qui est Joseph Anton ? (2011-2014). Il aboutit au constat que vivre dans la peau de quelqu’un d’autre est impossible. Poursuivant cette enquête, M. Fatmi étudie, dans le film expérimental Darkening Process (2014), la tentative de l’écrivain et activiste John Howard Griffin de s’exiler de sa propre peau. En « devenant Noir » il voulait prendre la mesure des injustices vécues, dans les années 1950-1960, par ses concitoyens Afro-Américains.

La mémoire, le passé, l’oubli, la reconstruction… M. Fatmi ne cesse de buter, de se retourner et d’interroger son propre vécu comme l’histoire du monde. L’Histoire n’est pas à moi (2013-2014) répond, dans un court métrage, à la censure d’une de ses œuvres, Technologia, qui mêlait des versets coraniques à des éléments inspirés des Rotoreliefs de Marcel Duchamp. Dans cette vidéo, l’histoire est écrite avec deux marteaux sur une machine à écrire, une histoire qui n’est que charabia illisible mais qui porte les traces de la violence du geste. Quelle que soit sa pratique et quels que soient les médiums dont il se sert, M. Fatmi continue de revenir au choc des cultures qu’il a vécu et dont il est témoin, aux documents qui témoignent de l’histoire, de ses hésitations et de ses contradictions. Dans un état de vigilance attentive aux mémoires oubliées.


Mounir Fatmi est né en 1970 à Tanger ; il vit entre Paris et Tanger.