Vue partielle de l'exposition Sans titre (Régentes), juillet-août 1995 coll. succession Dilasser |
François Dilasser, Veilleurs, Régentes, Bateaux-feux, Têtes marines, Planètes à plumets et autres peintures
in cycle Des histoires sans fin, séquence printemps 2015 |
Quand on est autodidacte, le plus problématique c’est de se choisir des modèles opportuns, d’avancer pour garder l’envie de la peinture, c’est d’avoir des regardeurs éclairés, de trouver un chemin, son chemin. Depuis son « port d’ancrage » de Lesneven, habité d’une impérieuse nécessité de peindre, François Dilasser apprend le métier à travers ses figures tutélaires, Matisse, Picasso, Cézanne, Gauguin, Klee mais aussi et surtout Bissière dont il est le disciple secret. Comme lui, il se défie du brillant de l’huile et préfère les tons mats de l’acrylique par lesquels il retrouve par bribes ou dévotions involontaires Giotto, Uccello, Sassetta, Lorenzetti, leurs empilements de plans et leurs perspectives triangulées comme l’écrit Antoinette Dilasser, témoin et chroniqueuse de l’œuvre. Têtes marines « Le paysage est dans le peintre (de même chez Tarkovski les formes d’arbres, les plans d’eau, de neige, ne sont pas du monde extérieur mais de lui). » A. D. Veilleurs « Le premier veilleur : Ça c’était une rupture. On n’avait pas vu venir la chose (le peintre, peut-être, qui tournait depuis quelque temps autour de montagnes empruntées à Spielberg, de silhouettes de gratte-ciel, de bonnets Ku-Klux-Klan ?). Pour la première fois le papier resté nu, sur la grande surface, en bas. Seules quelques silhouettes noires au-dessus d’une ligne : d’horizon ? de démarcation ? La présence d’une démarcation n’est pas nouvelle, mais la nudité voulue de papier, oui. Silhouettes noires à l’encre de Chine, frottées d’une main gantée sur le papier, le tracé vient en rehaut, à l’acrylique blanche… L’atelier était plein. À peine fréquentable, disaient certains. Noir et blanc. Veilleurs, c’est-à-dire ceux qui veillent, ceux qui sont là de temps immémorial, y seront combien de temps encore, les présences, les vieux témoins tutélaires. Ce qui n’est plus ou qui sera, tout est toujours là, tout coexiste. "Mon refus du temps ordinaire", dit-il… » A. D. Bateaux-feux « Exemple d’un motif pour lequel la peinture a devancé l’objet réel… Bateaux-feux, peints sous forme d’architectures rouges avant que le peintre ne "reconnaisse" le Scarweather dans le port de Douarnenez. » A. D. Depuis le Scarweather qui servit en 1992 de résidence à l’écrivain Jean-Pierre Abraham, celui-ci écrivait à l’adresse de F. Dilasser : « Je crois bien […] que votre peinture est dénuée de tout confort ; et désarmée ; qu’elle comporte des lieux sauvages, mais qu’elle est aussi secourable et que j’y campe sans avoir froid. » Les Régentes « Pour la première fois depuis sa jeunesse, d’une manière consciente tout au moins, il se mesurait à un sujet bien défini, venu d’un passé déjà lointain... Pour la première fois depuis longtemps s’imposait à l’atelier une figuration demeurée des plus allusives. » René Le Bihan « Je ne peux m’empêcher de voir dans Les Régentes de Dilasser un mix des Régentes de Frans Hals et des Demoiselles d’Avignon. Portraits de cinq femmes, des douairières, des putains, traités à la dégauchisseuse, à la limite de la sculpture chez Picasso, cinq personnages enfin dont on ne sait plus trop le sexe, pas plus qu’on ne parierait sur leur état de vivants, des triangles habités par la mort ricanante, une épouvante. » Jean-Marc Huitorel Mains « Les mains sont apparues dans l’atelier, au début, comme une espèce de marge ou de glose apposée à ce qui s’y trouvait déjà. Têtes et mains. Presque simultanéité du travail. Les mains c’est ce que l’on voit le mieux et le plus souvent de soi : soi-même. Autoportraits encore. Devant les yeux, sous les yeux, posées, exposées, sur les genoux, sur la table. Là-devant quand on dessine… Alors l’apparition, expansion, explosion de couleurs, grande violence. La violence était dans la couleur et dans le trait. Main verte surgie entre deux "études" en noir et blanc. Doigts en torsion au-dessus des paumes en caverne. Index surmontant la masse des doigts repliés, comme une crête, une tête d’animal, on ne sait quoi de provocant. Jaunes, roses, verts, violets. Main jaune fermée sur elle-même fond noir, celle que le peintre préférait. Celles que moi j’aimais, toutes couleurs fond blanc. Doigts bleus, verts, jaunes et ce rose. Dissonances comme dans le ciel au-dessus d’une vue de Tolède du Greco. » A. D. |
François Dilasser est né à Lesneven en Bretagne, en 1926 où il est décédé en 2012. |