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Collections / 12 octobre 2016 —

Franz Erhard Walther



« Le spectateur qui agit définit l’œuvre et en répond ; il ne peut être impliqué seulement dans sa qualité de regardeur : son corps entier est engagé. » Cette déclaration de Franz Erhard Walther dessine le cadre dans lequel existe une partie de ses travaux, c’est-à-dire dans lequel ils sont véritablement mis en œuvre ou mis en forme : c’est avec le corps de celle ou de celui qui active l’œuvre, qui la fait véritablement vivre, que l’art prend pour lui tout son sens et toute sa place dans la somme globale des activités assumées par le sujet humain.

Cette dimension physique et participative du travail, et plus précisément de la sculpture — ce que l’artiste qualifie d’« objets », soulignant ainsi leur caractère instrumental —, F. E. Walther l’établit dès 1963, date à laquelle il débute un ensemble de pièces réunies sous l’intitulé 1. Werksazt (Série d’œuvres No 1). Pour ce faire, il choisit non plus d’opérer à partir d’un système de formes closes sur elles-mêmes — des artefacts qu’il s’agirait uniquement de contempler et dont il ne faudrait jamais se saisir — mais selon des processus, selon des gestes chaque fois singuliers et jamais fixés une fois pour toutes dont les objets qu’il produit sont les moyens d’impulsion. Ceux-ci ont des formes géométriques simples (rectangles, carrés, lignes, cercles, etc.) et sont faits en tissu ce qui les transforme en autant de gilets, tapis, bandes, etc. La façon dont le spectateur s’en empare lui appartient et reste indécidable : c’est chaque fois son corps qui devient le moyen d’activer, de révéler, d’inventer les potentialités plastiques propres à ces objets sculpturaux. C’est chaque fois l’individu agissant qui invente le profil, l’usage de ces formes disponibles. L’utilisation du tissu, matière malléable qui a certes une configuration mais qui peut aussi être façonnée suivant les actions de l’opérateur (pliage, dépliage, habillage de la personne), facilite l’appropriation physique de la sculpture. Elle permet ce « retour au point de départ, où rien n’a de forme et où tout recommence à se former » que cherche à encourager F. E. Walther, autrement dit elle permet au corps d’expérimenter l’origine de la sculpture, d’éprouver le processus même d’apparition d’une forme. Par cette relation corporelle encouragée, une action qui donne donc à l’œuvre toute sa portée plastique, un acte qui crée la sculpture, l’artiste « montre que ce n’est pas seulement notre perception visuelle qui a une valeur mais le corps qui a un sens et une signification ». Autrement dit, pour reprendre le titre d’un ouvrage consacré à F. E. Walther, c’est bien ici avec le corps qu’il s’agit de voir (et de faire l’œuvre). De cette situation découlent plusieurs conséquences importantes. Contrairement à toute une tradition occidentale, qui puise ses racines dans la philosophie platonicienne, pour laquelle l’art est une affaire de pur et simple regard, pour laquelle l’art est un champ exclusivement optique — c’est le sens de sa fameuse définition comme cosa mentale par Léonard de Vinci —, autrement dit, contrairement au statut réservé par l’histoire au spectateur occidental envisagé comme un œil sans corps (l’œil de l’âme), F. E. Walther lie l’exercice de la vision à la réalité de l’incarnation, rendant par là même fondamentale la dimension tactile des œuvres. Il s’agit là d’une rupture esthétique et historique majeure. Ensuite, le fait que le corps, ses gestes et ses attitudes, fassent la pièce, transforme cette dernière en un dispositif processuel dans lequel le temps joue un rôle crucial : le corps à l’œuvre insiste sur le caractère d’objet temporel de la sculpture. Enfin, avec ses travaux du début des années 1960, F. E. Walther rejoint un certain nombre d’artistes qui ont, durant cette période, produit des sculptures non seulement activées par le spectateur mais véritablement configurées par lui, telle la Brésilienne Lygia Clark qui a initié en 1960 sa série de Bichos, des structures métalliques manipulables qui n’ont pas de forme unique et définitivement fixée. Comme elle, F. E. Walther aura exploré et inventé les visages d’œuvres destinées à demeurer éternellement disponibles, c’est-à-dire des formes qui ne cessent jamais de prendre forme et qui sont donc, pour peu que quelqu’un s’en saisisse, toujours en train d’être inventées ou réinventées. Ou encore, il aura créé des œuvres ouvertes, désignation forgée par le sémioticien italien Umberto Eco dans un ouvrage fameux paru en 1962, soit un an tout juste avant que Franz Erhard Walther n’entame sa Série d’œuvres No 1.







Franz Erhard Walther, 1. Werksatz, 1963-1969,
coll. MAMCO, en cours d'acquisition ;
58 Fotos zum 1. Werksatz, 1963-1969,
coll. MAMCO, don de l’artiste.