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NUMÉROS SIX SEPT HUIT
RETOUR D’Y VOIR
Une scène romande
2013, 1120 pages, 86 reproductions en noir et blanc, 17 x 24 cm.
ISBN : 978-2-94015 –961-1 ; 30 CHF / 25 euros.
— François Albera — Jean-Michel Baconnier — Bertrand Bacqué — Vincent Barras — Paul Bernard
— Jean François Billeter — Jan Blanc — Jean-Marie Bolay — François Bovier — Yann Chateigné — Thierry Davila
— Frédéric Elsig — Leïla el-Wakil — Noémie Étienne — Dario Gamboni — Jill Gasparina — Isabelle Graesslé
— Pascal Griener — Kornelia Imesch Oechslin — Christian Indermuhle — Michel Jeanneret — Laurent Jenny
— Christian Joschke — Christophe Kihm — Stefan Kristensen — David Lemaire — Patrizia Lombardo
— Geneviève Loup — Alice Malinge — Ivonne Manfrini — Serge Margel — Pierre Alain Mariaux
— Valérie Mavridorakis — Jérôme Meizoz — Lorenzo Menoud — Alexandra Midal — Cyril Neyrat — Ileana Parvu
— Muriel Pic — Michel Porret — Projet Socrate — Claire de Ribaupierre — Georges Starobinski
— Marie Theres Stauffer — Victor I. Stoichita — Michel Vanni — Delphine Vincent — Thibault Walter
— Daniel Wilhem — Julien Zanetta — David Zerbib — Luca Zoppelli
En justifiant sa propre forme, la revue dont voici le projet
voudrait faire en sorte qu ’on ait confiance en son contenu.
Sa forme est née de la réflexion sur ce qui fait l’essence
d’une revue et elle peut, non pas rendre tout programme
inutile, mais éviter qu’il suscite une productivité illusoire.
Les programmes ne valent que pour l’activité que quelques
individus ou quelques personnes étroitement liées entre
elles déploient en direction d’un but précis ; une revue qui,
expression vitale d’un certain esprit, est toujours bien plus
imprévisible et plus inconsciente, mais aussi plus riche
d’avenir et de développement que ne peut l’être toute manifestation de la volonté, une telle revue se méprendrait sur
elle-même si elle voulait se reconnaître dans des principes,
quels qu’ils soient. Par conséquent, pour autant que l’on
puisse en attendre une réflexion — et, bien comprise, une
telle attente est légitimement sans limite —, la réflexion que
voici devra porter, moins sur ses pensées et ses opinions
que sur ses fondements et ses lois ; d’ailleurs, on ne doit
pas non plus attendre de l’être humain qu’il ait toujours
conscience de ses tendances les plus intimes, mais bien qu’il
ait conscience de sa destination.
La véritable destination d’une revue est de témoigner
de l’esprit de son époque. L’actualité de cet esprit importe
plus, à ses yeux, que son unité ou sa clarté elles-mêmes ;
voilà ce qui la condamnerait — tel un quotidien — à l’inconsistance
si ne prenait forme en elle une vie assez puissante
pour sauver encore ce qui est problématique, pour la simple
raison qu’elle l’admet. En effet, l’existence d’une revue dont
l’actualité est dépourvue de toute prétention historique
est injustifiée. Le caractère exemplaire de l’Athenaeum romantique tient au fait qu’il a été capable, d’une façon
incomparable, d’élever une telle prétention. Si besoin était,
cet exemple prouverait que le public n’est point le critère de
la véritable actualité. Comme l’Athenaeum, inexorable dans
sa pensée, imperturbable dans ses déclarations, défiant, s’il
le faut, totalement le public, toute revue devrait s’en tenir à ce qui prend forme, en tant que véritable actualité, sous
la surface stérile du nouveau ou du dernier cri dont elle
doit abandonner l’exploitation aux quotidiens.
Walter Benjamin, « Annonce de la revue Angelus Novus », trad. R. Rochlitz, Œuvres I,
Paris, Gallimard, 2000
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