Michele Zaza est une figure aussi singulière que forte de la scène artistique européenne des années 1970. Aux marges de lart corporel, il y apporte une dimension métaphysique. Il expose dans les capitales, participe à la Documenta de Kassel (1977, 1982), à la Biennale de Venise (1980), puis disparaît, pour ainsi dire : comme la révolution, lavant-garde dévore ses enfants.
Tirant parti de son fonds de lartiste transalpin (sans doute le plus large qui soit dans un musée), le Cabinet des estampes retrace à la faveur de lété italien du Mamco un itinéraire qui va de 1972 à 2002, en une grosse vingtaine détapes toujours stupéfiantes. Lartiste et un collectionneur genevois ont consenti des prêts importants, en particulier pour la production des cinq dernières années.
Michele Zaza recourt exclusivement à la photographie. Sa première œuvre, un portefeuille de cinq planches en noir et blanc, « Simulazione d’incendio », documentait diverses actions réalisées dans sa cité de Molfetta entre le 24 décembre 1970 et le 10 janvier 1971, autour de l’heure de midi, dans l’intention de simuler un incendie propre à déranger les tranquilles habitudes dominicales. Mais dès ses premières expositions personnelles, son matériau prend corps, singulier, éminemment personnel.
Ce matériau, les éléments de son vocabulaire, sont ses parents mis très simplement en scène, au visage souvent peint, associés à quelques accessoires (symboliques ?), tels que le pain, la ouate, lhorloge, lassiette, lampoule électrique, mais aussi, plus tard, sa femme puis, plus récemment, sa fille et beaucoup lui-même, mais « photographiant son corps comme il nest pas ».
De la sorte, Michele Zaza synthétise en une seule prise de vue (parfois) ou déroule en séquences multiples (ordinairement) des récits qui construisent et restituent, tout à la fois de façon très concrète (figurative) et dans une formulation à fort indice dabstraction, un récit fondamental : celui de la condition humaine. Michele Zaza suggère que cest son histoire des origines, inventée avec un certain esprit de révolte contre lhomologation universelle : « Lesprit de rébellion est un hommage que lhomme se rend à soi-même ».
Depuis une demi-douzaine dannées, Michele Zaza se concentre sur le visage, le plus souvent apparié à la représentation (toujours photographique) de sculptures-diagrammes. Il ne cesse ainsi dinterroger larchétype et lindividu, de souligner le primat de lidentité et de la vérité, « tradui[sant] en images cette idéité de lunité » perdue de lhomme avec lénergie procréatrice. La quête est dordre philosophique, mais elle est visuelle, esthétique, pour lartiste, montrant que « seul lart peut substituer lapparence à lintériorité ».
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