Stéphane Zaech
exposition temporaire |
Vue partielle de l'exposition Prime, 2010-2013 Jean d'Écosse, 2008 |
Stéphane Zaech, Les Voix de la peinture in cycle cycle Des histoires sans fin, séquence automne-hiver 2014-2015 |
La peinture de Stéphane Zaech est d’abord et malgré tout une affaire de métier. Elle s’est élaborée dans un patient apprentissage, une étude des maîtres, des exercices techniques exigeants. Une peinture à l’huile, « classique » dirait-on, qui s’accommode par ailleurs tout à fait des genres picturaux définis par l’académie : portrait, paysage, peinture allégorique. Quelques considérations liminaires qui peuvent sembler conservatrices voire rétrogrades mais qu’il faut en réalité célébrer pour leur intempestivité. Contrairement aux apparences, S. Zaech ignore préalablement ce qui va advenir sur la toile. Pas de chevalet en plein air, pas de longue pose de modèles, surtout pas d’image mais une « vision qui fleurit sur la peinture elle-même ». La technique lui permet d’associer librement fragments de mémoire et persistances rétiniennes du quotidien. Une tête d’âne entrevue chez le Titien se retrouve sur la même scène qu’une trompette laissée dans l’atelier sans autre signification que l’équilibre de la composition. Le peintre travaille sur plusieurs toiles en même temps et l’atelier a quelque chose d’une salle d’attente. Sans qu’il soit réellement question de série, chaque tableau en gestation finit par contaminer ses voisins. Un motif, une lumière, une couleur apparaissent tantôt comme une matrice, tantôt comme l’effet qui fera vaciller l’ensemble, tantôt comme une anecdote. « La liberté est une discipline pour la raison. » La citation du peintre Francis Bacon est reprise par l’artiste dans un entretien avec Florence Grivel. Dans son cas, c’est davantage la discipline qui est une liberté pour la raison. Une force paradoxale qui anime l’œuvre et lui permet de clamer, à rebours de son temps, que la grande peinture est loin d’avoir épuisé ses possibilités et que l’on peut continuer à s’y frotter avec désinvolture, comme l’ont fait au siècle dernier Bacon ou Picasso et comme le font toujours, de l’autre côté de l’Atlantique, John Currin ou George Condo. S. Zaech admet avoir trouvé chez ces peintres américains une famille qu’il ne trouvait plus en Europe. Currin et Condo ont en effet tous deux osé la tradition européenne dans un environnement où la peinture semblait s’être émancipée de tout carcan, faisant fi de la figure, du sujet, de la technique pour privilégier l’exaltation de la puissance créatrice, la trivialité consumériste ou le matérialisme le plus littéral. Arrivée clandestinement sur le sol américain cette vieille peinture européenne a fini par y faire florès et il était temps désormais de la rapatrier sur le vieux continent. Elle a conservé de son exil américain quelques motifs, un érotisme crapuleux et un humour clownesque. Mais, installée désormais dans un atelier sur les bords du Léman, elle retrouve une atmosphère particulière, une lumière, des montagnes, des forêts. Et de fait les paysages, dans leur traitement orientaliste (on pense pour certains d’entre eux à la peinture chinoise), cultivent un mystère symboliste, une certaine lémancolie. Si l’on en vient aux portraits, on trouvera dans la difformité et les organes surnuméraires de ses figures, particulièrement les yeux, un emprunt manifeste au cubisme. Il est moins question de monstruosité que d’effet cinétique ou encore de « repentirs repentis » pour reprendre une formule heureuse de l’artiste. John Currin, encore lui, affirme que le cubisme permet à l’artiste de dominer sexuellement son sujet : le sexe et le derrière peuvent apparaître simultanément dans le cadre. Une façon là encore de mettre en avant la contingence de la peinture et de montrer que son désir peut tout. Paysage insondables, désir, humour noir, mais encore difformités, anges, répétitions d’architectures ou de personnages : il serait facile de voir là les ingrédients psychanalytiques d’une mauvaise recette surréaliste. Il suffirait à l’exégèse de réduire les figures à une constellation de symboles, pour ensuite les éplucher et trouver, en dehors de la peinture, la justification tranquille de leur présence. Dans cette façon de faire passer la peinture aux aveux, les commentaires, celui-ci compris, manquent toujours sa singularité. Ou comment dire l’absolue précarité du texte à l’égard des vives forces inconscientes qui grondent sur la toile. |
Stéphane Zaech est né en 1966 à Vevey ; il vit à Montreux et Villeneuve. |