« Parallélépipédicolor 1998-2000 » réunit le sculpteur Michel Ventrone et le peintre Daniel Walravens autour dun projet élaboré par Michel Ventrone en 1998, à la suite de lexposition « Formes du simple, exercices dassociations », organisée par le Mamco à la Villa du Parc dAnnemasse en mars 1997.
Le projet est simple. Cinq socles-sculptures rectangulaires sont répartis dans les deux salles qui composent le Cabinet des abstraits. Chaque volume, disposé au sol suivant un tracé géométrique pertinent, est projeté au mur selon un développement choisi parmi des centaines de combinaisons. Les figures ainsi produites apparaissent en réserve sur le mur coloré, la couleur détourée vient, elle, habiller les six faces des parallélépipèdes.
Chaque artiste utilise des éléments standards dans la discipline qui lui est propre. Depuis les années quatre-vingt, M. Ventrone, artiste autodidacte, explore, en stylite, le potentiel spatial et graphique du rectangle quil préfère au cube, quil juge plus limité et déjà trop investi. Ici, le choix du mètre-étalon qui détermine la hauteur des éléments au sol, évoque une sculpture de taille moyenne et tient lieu de caution scientifique au projet. Le développement théorique du parallélépipède utilisé en dessin industriel, est lui aussi retenu, pour son caractère simple et concis. La référence visuelle et symbolique quil introduit, en restituant une figure suprématiste, oriente cependant le projet vers les interrogations picturales radicales de ce siècle qui aboutiront au dépassement du degré zéro de la peinture.
Le choix des couleurs est laissé à D. Walravens, que Daniel Soutif définit comme un peintre dont la pratique semble relever simultanément du monochrome et du « ready-made », une sorte de « Rodtchenko Duchampien » qui, en 1968, travaille en collaboration avec lentreprise de peinture industrielle hollandaise Tollens, dont il élabore le nuancier en même temps quil publie, dans la tradition des peintres de la Renaissance, un traité des couleurs, « Lharmonie des couleurs selon la moyenne optique ».
Les couleurs sélectionnées pour « Parallélépipédicolor » sont elles aussi des standards. Aux trois couleurs primaires : rouge, bleu, jaune, sajoutent le blanc et le noir emblématiques des géométriques abstraits. Le bronze, inattendu, joue lironie et la fausse sacralisation.
Ces couleurs ne sont donc pas anodines, et marquent toutes ou presque une avancée dans lhistoire et les débats de la peinture abstraite : du « Carré blanc sur fond blanc » de Malévitch auquel répond Rodtchenko par un « Noir sur noir », avant de se lancer dans lexécution de trois monochromes qui sonnent le glas de la peinture comme laffirme le critique Taraboukine dans sa conférence « Le dernier tableau » (20 août 1921).
Par delà son apparente simplicité « Parallélépipédicolor » rejoue la confrontation suprématiste et constructiviste tout en convoquant dans le débat les « specific objects » de Donald Judd qui marquèrent, à leur manière, un point de non-retour de la sculpture. Ici, lemploi de la couleur bronze, inscrit ironiquement les formes épurées de M. Ventrone dans une tradition académique en même temps quelle stigmatise le « white cube » comme parangon dun nouvel académisme.
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