Daan van Golden est un maître excentrique, géographiquement et artistiquement. Célébrée aux Pays-Bas, l’œuvre de Daan van Golden, sans rien avoir d’anachronique, s’est développée dans la marge des grands styles internationaux. Il est symptomatique que dans les années 1960-1970, ses peintures de motifs textiles réalisées au Japon en 1964 aient été successivement incluses dans le cadre d’expositions consacrées au Pop Art, au Groupe Zero et à la peinture abstraite américaine. Elles auraient pu, comme ses œuvres ultérieures d’ailleurs, trouver leur place dans des expositions consacrées à l’art conceptuel, au minimalisme ou à l’appropriation des années 1980. Pourtant, leur irréductible indépendance vis-à-vis de ces mouvements est tout aussi manifeste que leur proximité.
Àla fin des années 1950, le jeune van Golden travaille à une peinture abstraite et expressionniste qui témoigne de son intérêt pour la peinture américaine mais aussi pour le mouvement Cobra. Lors d’un long séjour au Japon de 1963 à 1964, il découvre presque par hasard une méthode qui déterminera l’ensemble de son œuvre jusqu’à aujourd’hui. Il commence à reproduire sur toile des motifs trouvés sur du papier d’emballage et des mouchoirs en tissu. Au cours des vingt-quatre mois qu’il passe au Japon, il réalise une vingtaine de peintures d’après ces motifs. Grilles, motifs floraux et formes organiques caractérisent les motifs. La technique, méticuleuse, utilisée pour la reproduction des motifs, aussi exacte et neutre que possible, exige beaucoup de temps et de concentration, mais a l’avantage de libérer l’artiste de la nécessité de puiser son inspiration dans un espace mental et émotionnel clos. Dès lors, D. van Golden se tiendra à cette position : observer et trouver dans son expérience quotidienne, du monde et de l’art, les sujets de sa pratique picturale.
Formellement, les œuvres de D. van Golden, parce qu’elles organisent la rencontre entre de grandes formes modernes, comme la grille, et des objets de consommation courante se situent, aux côtés de Polke, Richter ou Hamilton, sur le versant européen du Pop Art. En réalité, le projet dont elles sont issues les rapproche d’une part d’un art d’« attitude », voisin, en amont, de celui d’Yves Klein ou des affichistes, et, en aval, d’artistes conceptuels comme Douglas Huebler ou On Kawara.
Les œuvres que D. van Golden développe depuis la fin des années 1970 peinture, éditions ou photographies poursuivent la méthode amorcée au Japon. Heerenlux (commencée en 1993 après une longue période de pause dans sa carrière) est une série qui se base sur un motif fleuri trouvé sur un échantillon de tissu. En fonction des expositions, des détails du motif sont reproduits à des échelles variées sur des toiles de tailles différentes. Parallèlement, D. van Golden isole une œuvre ou un détail d’une œuvre une perruche trouvée chez Matisse (Blauw Studie naar Matisse), un marcheur de Giacometti (Studie Giacometti), un dripping de Pollock (Studie Pollock) dont il reproduit la silhouette en couleur sur une toile laissée vierge. Chaque peinture est réalisée en quatre exemplaires. Un ensemble d’œuvres, éditions ou photographies, accompagnent cette pratique picturale. Elles forment un contrepoint qui vient encore renforcer la résonance intime que Daan van Golden construit entre art et existence, en même temps qu’elles sont le fruit d’un procédé équivalent à celui des peintures, dans la mesure où elles procèdent par observation puis par sélection dans le flux des images rencontrées par l’artiste.
Anne Pontégnie
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