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  Frieda Schumann 

exposition temporaire
Y ?   

Vues de l'exposition




Frieda Schumann, Y ?

in cycle Vivement 2002 !, sixième épisode
du 4 novembre 2001 au 15 mars 2002

« Je mourrai du soupçon / que l’on fasse ces choses à Grasse / parfums synthétiques et roses délaissées / Gratte et sens et fais des collages / avec des ciseaux d’argent / et contente-toi d’être archaïque / pétasse ». L’abandon, la mélancolie, le sens de l’authenticité et de la féérie, le toucher, le collage et une apostrophe finale qui condamne le tout, qui le renvoie à une sorte de magasin des accessoires désuet, sans aucun intérêt. Cet extrait d’un poème de Fr. Schumann – l’écriture est pour elle un moyen d’expression important – donne-t-il un aperçu de son travail plastique ?

Le collage en fait en tout cas bien partie. En 1992, elle place par exemple sur une table de secrétaire une machine à écrire de bois brut, assez grossièrement taillé. Le monde d’« International Business Machine » – c’est le titre de la pièce –, expression d’une puissance et d’une perfection technologique destinée à conquérir notre environnement social, d’un progrès sans limites voué à déterminer nos comportements – est démantelé. L’instrument est mort, mais l’objet est là, il occupe même l’espace avec toujours autant de force, et son attrait en apparaît même plus grand. Non qu’il gagne à être hors d’usage ou qu’il ait perdu sa fonction comme l’entend communément le sens esthétique. Ce serait plutôt qu’il s’apparente alors à une sorte d’idole africaine, un objet magique au pouvoir irrationnel archaïque.

Cette parenté avec le magique ou le féérique se retrouve dans une série d’empreintes translucides de résine teintée que Fr. Schumann produit depuis 2000 à partir de 'blisters'. Ces empreintes procèdent à transubstantiation dérisoire de ce que le monde des objets comporte de plus humble, de plus évanescent, de plus jetable : morceaux de 'packaging', conditionnements de plastique thermoformé, le plus souvent transparents, destinés à disparaître aussitôt que le produit est ouvert et que l’emballage est mis à la poubelle, ces empreintes évoquent un univers qui tiendrait moins du refoulé que du méconnu. Transformés par le traitement plastique que leur réserve F. Schumann, ces objets – irrécupérables par le 'Pop art' dans la mesure où ils n’évoquent même pas une marque, un produit identifiable – cartographient l’espace de nos habitudes les plus inconscientes. Leur rendu reste cependant délibérément approximatif, comparable à celui de vagues grigris. Il ne vise jamais à atteindre l’idéal de perfection de la société industrielle pour lequel tout objet doit être identique à son modèle. La résine les intègre à un système plastique que Fr. Schumann, en reprenant une expression de Ruskin, qualifie de « tremblé fait main ».

Fondée sur l’image de deux paysages paradisiaques d’une pureté quasi clinique, son intervention au Mamco libère une procédure d’échanges qui en montre le caractère parfaitement interchangeable, et du même coup la vanité. L’idylle vantée par les vitrines des voyagistes se renverse en cauchemar climatisé. Mais le renversement se produit aussi à un autre niveau : ces paysages de publicité qui ont pour conséquence d’isoler l’individu dans une bulle où il est condamné à vivre sa relation au monde sous le signe de la névrose sont à leur tour mis en abîme dans la représentation. Comparé à ce dispositif névrotique, le plan en relief de Genève que Fr. Schumann a réalisé en résine ressemble singulièrement au résultat d’une dérive situationniste. Translucide, approximatif, il propose une réappropriation de l’espace urbain très différente de la maîtrise géographique dont pourtant il s’inspire. La raison en tient peut-être au titre de l’installation de Fr. Schumann : « Y ? » Si l’« y » évoque la fourche que forment le Rhône et l’Arve, il reste aussi une question « pourquoi ? »


Frieda Schumann est née en 1967 à Sorengo en Tessin, elle vit à Paris.