L’exposition Cloaks of Invisibility invite à une promenade dans
l’univers de Daniel Roth, une déambulation suivant plusieurs scénarios qui se
déroulent les uns après les autres. Il construit des récits, un
peu selon le mode du collage, à partir de techniques aussi diverses
que la sculpture, la photographie, le dessin ou encore
le film. Il intègre également le texte comme amorce de la
narration mais en lui donnant un caractère suffisamment allusif
pour ne pas donner aux objets une fonction illustrative.
Le travail de D. Roth s’incarne véritablement dans l’installation,
dans la mise en espace d’une collection d’objets hétéroclites,
objets qui prennent tout leur sens dans leur mise en
relation. Cette démarche évoque quelque peu le principeà l’œuvre dans le cabinet de curiosités, un lieu qui intègre à la
fois l’état du sujet dans son désir de connaissance, dans sa
curiosité et la nature de l’objet choisi pour ses qualités étonnantes
qui défient la raison et l’imagination. Ensemble, ces éléments forment un récit elliptique qui convie le spectateur
à une véritable expérience de lecture. À l’origine de la plupart
des installations, il y a l’observation d’un lieu réel et concretà partir duquel l’artiste développe un ensemble de connexions
qui contribuent à ouvrir cet espace à d’autres territoires. Ainsi,
il dispose des trappes et des conduits pour nous inciterà plonger au-delà des apparences dans un enchevêtrement de
tunnels et de galeries souterraines. Cette oscillation entre
réalité et fiction se retrouve aussi dans le choix des matériaux
utilisés. La photographie semble se conformer à sa fonction
documentaire en gardant un lien étroit avec ce que l’on pourrait
qualifier d’origine concrète du projet. Pour Krasnapolsky, Amsterdam (2008), la photographie du jardin d’hiver de l’hôtel
homonyme sert d’amorce à une étude de l’édification de ce
quartier d’Amsterdam et le récit nous apprend aussi que l’ensemble
des fondations est constitué de sapins provenant de
la Forêt-Noire, lieu d’origine de l’artiste. Alors qu’il est invité à exposer dans un espace d’art londonien, il découvre que le
bâtiment est construit sur un réseau de rivières souterraines.
Il imagine alors The Well (2006), une sculpture de terre reliéeà un réseau de structures tubulaires complétées par un dessin
qui tente de figurer l’influence de ces courants aquatiques sur
le bâtiment. Il relève ce cours d’eau invisible et redistribue ce
flux dans l’espace même de l’exposition. En partant de l’observation
du monde concret ou même d’une simple anecdote,
D. Roth élabore un dispositif qui insuffle au récit une idée de
circulation des flux, des énergies mais aussi de l’imagination.
Si la photographie préserve le lien avec le document, le dessin,
par contre, nous fait résolument basculer dans l’espace imaginaire. Il peut prendre place à même le mur, s’inscrire sur des
panneaux de bois ou sur une feuille encadrée. Quel que soit le
support, le motif est à la limite entre la ruine d’une architecture
moderniste et la représentation de paysages futuristes. Il
se situe clairement dans l’espace fictif et se présente parfois
comme une véritable cartographie du récit. Ainsi, le dessin de 701XXKA (2002), rappelle bien que le centre de l’action part de
Hoxton Square à Londres mais le récit entretient des ramifications
avec un passage dans les Alpes, voire avec la structure
labyrinthique du Palais de Justice de Bruxelles. D’autres éléments,
comme la facture dont le numéro donne le titre à l’installation,
se présentent presque comme des pièces à conviction à partir desquelles le visiteur tente de reconstituer une
histoire. Pour chacune de ces œuvres, D. Roth ménage suffisamment
d’espace, soit littéralement entre les objets, soità travers le traitement elliptique de la narration et laisse ainsi
la possibilité à d’autres connexions de se produire. Ses installations
doivent être appréhendées comme une réelle expérience
qui appelle à trouver une interprétation personnelle et
son propre sens dans un réseau de connexions et de relations.
C’est aussi une incitation à aller au-delà des apparences. Cette
invite semble s’affirmer dans ses dernières œuvres, plus particulièrement
sculpturales et graphiques, qui ne se développent
plus à partir d’un contexte concret. Avec ces travaux, D. Roth
propose des objets qui ressemblent à des vestiges archéologiques,
des traces hors du temps qui, dans chaque configuration,
révèlent une fable en perpétuel renouvellement.
Daniel Roth est né en 1969 à Schramberg (Allemagne), il vit à Bâle.
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