Cest principalement au moyen de dessins de grand format que Paul Noble travaille, depuis 1995, à la réalisation de sa ville « Nobson Newtown ». Nommée à partir dun fragment de son propre nom, cette ville suggère une relation autobiographique entre lauteur et son travail, et chaque dessin doit être vu comme une sorte dautoportrait ou une carte psychologique. Ceci est encore accentué par le fait que les lieux représentés sont en principe inoccupés. La fiction mise en forme par P. Noble découle du rêve éveillé, mais elle trouve aussi un ancrage dans une réalité de lhabitat de laprès-guerre en Grande-Bretagne. Sa ville évoque, en effet, de nombreuses cités nouvelles construites notamment sous linfluence des propositions contenues dans « Les Cités-jardins de demain », le livre dEbenezer Howard. Sinspirant de cette réalité, P. Noble conçoit une ville comme un ensemble clos, autosuffisant. « Nobson » est la pure projection de son créateur qui détient les pleins pouvoirs et apparaît comme un architecte qui entretient une relation de droit divin avec sa création.
Bien que chaque œuvre se présente de manière autonome, l’ensemble du projet est défini selon un plan préalablement établi, qui se développe sur un long terme. C’est avec son livre d’artiste « An Introduction to Nobson Newtown » (1998), conçu à la manière d’un guide touristique comprenant un texte et des illustrations, que P. Noble pose les fondements et les principes qui sous-tendent la construction de cette ville-fiction. Bien que cette publication ne soit pas de nature explicative, elle suggère néanmoins que l’ensemble du travail répond, en un sens, au principe de planification rationnelle des urbanistes et des architectes. Cependant, l’idée de rationalité est contrebalancée par la présentation d’un monde qui relève du fantastique.
Cette coexistence d’éléments apparemment contradictoires se retrouve dans la mise en œuvre de « Nobson ». Si le dessin demeure la technique privilégiée, P. Noble tente depuis peu de développer d’autres appréhensions de son projet. Avec « Nobpark », il dote sa ville d’un territoire presque rural, en aménageant principalement un dispositif d’installation, et avec « Unified Nobson » (2001), il réalise pour la première fois un film d’animation où le temps de la perception de l’œuvre est traité différemment. Mais là encore, on retrouve le dessin qui prend tout son sens, tant comme forme classique de l’expression architecturale que comme moyen de matérialiser les fantaisies utopistes.
Les bâtiments de « Nobson » sont conçus selon un dessin précis, leur forme étant déterminée par des caractères typographiques en 3D créés par P. Noble et leur agencement dépendant de la formation dun texte qui est en partie le titre du dessin. Ils sinscrivent dans un environnement constitué dune profusion de petits détails graphiques libres ; la minutie et le temps de lexécution apparaissent alors comme un aspect essentiel dans la démarche de lartiste. Cette combinaison déléments induit chez le spectateur un regard à la fois proche et lointain, sans centre défini. Le temps de lecture requis est donc important, tout comme le temps de lexécution. Mais tant labsence de point de fuite unique que lemploi dun style volontairement impersonnel permet à chacun de se projeter dans cet univers étrange.
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