Dans son œuvre, Anton Henning se réfère beaucoupà l’histoire de l’art pour laquelle il porte une vraie considération
mais qu’il traite aussi avec légèreté et ironie. Il échafaude son cosmos artistique dans un esprit subversif
où la peinture, même si elle est le topique principal du travail,
n’en est pas le médium exclusif puisqu’elle cohabite
avec la sculpture, le mobilier ou la vidéo.
Sa peinture se caractérise par une grande variété de
sources. A. Henning emprunte aussi bien à Courbet,
Picasso, Picabia ou Arp pour n’en citer que quelquesuns.
Tous les genres définis de la peinture, tel le nu, le
paysage, le portrait ou la nature morte, sont traités le plus
souvent dans un esprit absurde et grotesque. Si A. Henning
ne dissimule pas ses sources, il ne se situe pas dans une
logique d’appropriation mais dans celle d’une véritable interprétation. Chacun de ses tableaux est une œuvre nouvelle
qu’il traite comme des réminiscences ou des commentaires
subjectifs, et où il intègre fréquemment des éléments autobiographiques. Son travail s’affirme comme
une volonté de regarder l’histoire de l’art de manière non
conventionnelle et comme un moyen d’intégrer différents
registres de la peinture. Cet apparent éclectisme des styles
et des sujets est revendiqué par A. Henning comme l’expression
de sa totale liberté artistique. Une attitude qui lui
permet de développer des langages formels très différents
comme pour mieux brouiller les pistes quant à l’identité de
son auteur. A priori, il paraît difficile de relier un tableau
de paysage de style naturaliste à un portrait qui relève du
registre grotesque, ou à des compositions abstraites, souvent
intitulées Intérieur, qui peuvent aussi bien être des
peintures à la géométrie élémentaire qu’aux arabesques multiples. D’un côté, A. Henning semble vouloir assumer
l’idée de beauté, donc une forme de bon goût et de l’autre,
il semble prendre un réel plaisir à développer un style qui
relèverait du camp. Ce terme défini dans un essai célèbre
de Susan Sontag : Notes on Camp (1964), trouve une résonance
dans le travail d’A. Henning en tant que prédilection
pour le trucage et l’exagération, mais aussi en tant
que disposition à nourrir le mauvais goût ou une manière
de vénérer le kitsch avec ironie. Les titres semblent aussi
contribuer à déconcerter le spectateur plutôt que de faciliter
la compréhension de l’œuvre. Le titre déjà mentionné, Intérieur, peut se référer à une salle de séjour avec canapé,
table basse et tableaux, comme il peut représenter diverses
compositions abstraites. Un Portrait peut se révéler être,
en fait, un autoportrait ou encore une chaise de Marcel
Breuer. Cette façon de jeter le trouble serait une manière
d’activer constamment la conscience du spectateur et de
lui donner un rôle actif dans l’interprétation de son travail.
Cette multiplicité de styles et de traitements dans la peinture
trouve un écho dans sa pratique de la sculpture, du
mobilier ou de la vidéo. Cette volonté d’être un artiste
complet se retrouve aussi dans la mise en espace de ses
œuvres. L’installation est donc aussi traitée par l’artiste
comme un véritable médium où il endosse le rôle du commissaire de ses propres expositions. Ces dernières apparaissent
comme de véritables environnements pour ses
œuvres mais aussi pour le spectateur. Par ce travail, il
crée une authentique mise en scène où il fait coexister des
genres très différents et parfois des esthétiques contradictoires.
L’installation consiste donc à trouver une tonalité particulière pour maintenir la cohésion entre les différentes
œuvres. Elle est aussi conçue comme le contexte idéal pour
la contemplation des œuvres, où tous les éléments seraient
connectés et où le spectateur deviendrait lui-même un élément
de l’installation. Henning crée ainsi de véritables environnements
afin d’emmener le spectateur dans une sphère
qui relève moins de la connaissance que de l’expérience et
qui par sa mobilité se trouve à chaque fois dans une situation
singulière ou dans un Gesamtkunstwerk.
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