Robert Heinecken
exposition temporaire |
Related to periodical # 5, 1972 coll. Ida et Jean-Marc Budin Study # 60, 1970 coll. particulière, Los Angeles |
Robert Heinecken, Le Paraphotographe in cycle L’Éternel Détour, séquence été 2013 |
Comment proposer un travail photographique dans la profusion des images ? Avec quels moyens ? et pour dire quoi ? Ces questions, Robert Heinecken a commencé à se les poser dès le début des années soixante. Comme artiste, il s’est attelé à en explorer les enjeux durant quatre décen- nies ; comme professeur à l’Université de Californie (UCLA), il y a sensibilisé des générations d’étudiants. Mais paradoxalement, son positionnement dans le champ de la photographie l’a relégué aux marges de la notoriété institutionnelle et du succès commercial, quand bien même la précocité et l’intérêt des solutions qu’il a cherchées l’ont rendu très influent auprès des artistes eux-mêmes. Aujourd’hui encore, à l’ère des banques d’images babéliennes, le travail d’un artiste venu mélanger les langues, en pervertissant, par exemple, la photographie documentaire avec des imageries publicitaires ou pornographiques, recèle une dimension jubilatoire. Mais l’humour et la séduction, même grinçants, omniprésents dans le travail de Robert Heinecken, ne doivent pas faire oublier le sérieux avec lequel il s’est confronté aux questions théoriques — sur l’utilisation du médium photographique en particulier — et sociales. R. Heinecken utilise le terme « paraphoto- graphe » pour expliquer son rapport ambigu à son médium. D’un côté, il utilise presque exclusivement des images pré- existantes qu’il compile ou agence pour créer ses propres travaux, ce qui pourrait le situer en marge du champ de la photographie au sens strict. De l’autre, c’est un véri table virtuose des techniques d’impression et de transfert. Il en comprend les connotations et utilise les différentes méthodes comme autant de styles significatifs en soi. Dans une période très contestataire, R. Heinecken répand son travail avec des techniques de guérilla : il modifie des magazines, qu’il redistribue ensuite dans les kiosques ou les salons. La capacité de subversion de ces magazines transformés était renforcée par l’effet de surprise. Le 28 novembre 1969, la couverture du Time Magazine montrait la photo étrange d’un portrait de Raquel Welch réalisé en résine par le sculpteur Frank Gallo. R. Heinecken poursuit l’incertitude du regard en surimprimant sur les pages intérieures des photographies érotiques qui détournent le sens des articles et insistent sur cette représentation de la femme comme objet. Le détournement est encore bien plus cinglant et cruel dans Related to periodical #5, où l’image d’une soldate souriante brandissant deux têtes tranchées se superpose à des publicités pour des lotions contre la chute des cheveux, ou à un article sur le contrôle des naissances vu par les femmes. R. Heinecken travaille en séries. Ainsi, les différentes Lessons in Posing Subjects rassemblent des images rephotographiées au polaroïd et organisées par postures. Avec des légendes ironiques, il se joue de l’effet normalisant des médias de masse, en particulier de la télévision qui est pour lui le lieu d’un surréalisme involontaire. Plusieurs séries y ont trait, qui confondent les visages des présentateurs entre eux ou pointent l’absurde du spectacle télévisuel. « Je fais quelque chose pour voir à quoi ça ressemble, dit R. Heinecken, et pour vérifier si ça peut ressembler à quelque chose d’autre. » Avec la diversité des méthodes expérimentées, des thèmes abordés, son travail ne ressemble à rien, mais diagnostique les maux de la société dans laquelle il s’insère, autant qu’il jalonne les recherches artistiques des dernières décennies du XXe siècle. |
Robert Heinecken est né en 1931 à Denver, Colorado, il est mort en 2006 à Albuquerque, Nouveau-Mexique. |