Rodney Graham
exposition temporaire |
Vues partielles de l'exposition |
Rodney Graham, Parsifal…, 1989-1990 in cycle Mille et trois plateaux, quatrième épisode |
Les incursions de Rodney Graham dans le champ wagnérien débutent en 1989 avec la publication d’une partition de « Parsifal » en douze volumes. La musique qui en découle, « Parsifal 1882 38 969 364 63 », est la première composition musicale que réalise l’artiste. Elle a pour origine un événement survenu lors des répétitions de la première de « Parsifal » à Bayreuth : il s’avéra indispensable d’ajouter à la partition quelques mesures supplémentaires pour que la musique soit en phase avec le défilement du décor lors de l’ascension de Parsifal vers le Graal. Humperdinck, l’assistant de Wagner, modifia la partition. Une mesure fût jouée en boucle afin que la scénographie puisse se dérouler. L’intervention de R. Graham « ajoute un supplément au supplément de Humperdinck ». Il déconstruit la partition en introduisant une formule mathématique complexe qui règle le jeu de l’orchestre. Chaque instrument doit en effet répéter sa partie selon le nouveau code établi, jusqu’à ce que l’orchestre soit à nouveau synchronisé au début de la première mesure. Commencé le 26 juillet 1882 vers 17 heures, l’opéra ainsi transformé devrait s’achever le 18 juin 38 969 364 735 à 19h30, soit dans plus de trente-huit milliards d’années(1). La grandiloquence du drame wagnérien s’efface devant un séquençage mathématique qui coupe court à tout sentimentalisme. L’œuvre, projetée dans un temps incommensurable, excédant la durée même de l’univers, échappe ainsi à toute récupération idéologique. Différée, la quête du Graal apparaît plus que jamais vaine, sinon dérisoire. « Parsifal. Musique de la transformation (Acte I). Avec la transcription du manuscrit original du supplément au n° 90 de Humperdinck, le tout composé selon les instructions de l’artiste, 1989 », date de 1990. Elle se compose de deux vitrines conçues, à la demande de R. Graham par l’artiste belge Jan Vercruysse, pour présenter les douze volumes qui composent la nouvelle partition de « Parsifal ». Elle est accompagnée de la diffusion du CD « Verwandlungs-musik (Transformation Music) », 1991, qui reprend des morceaux orchestraux du nouveau « Parsifal ». Des photographies de troncs d’arbres à l’envers, aux teintes sépia série des « Cedar Tree », indépendante de l’œuvre wagnérienne rappellent la clairière parsemée d’arbres dans laquelle évolue Parsifal lors du premier acte. Vision d’un monde inversé, ces photographies répondent à cette évidence que le monde n’est pas tel que nous l’imaginons ; avant que notre cerveau ne rétablisse, dans une rotation à 180°, le sens de l’image qui se forme sur notre rétine, celle-ci, comme dans une 'camera oscura', s’imprime à l’envers. S’ils s’inscrivent, comme les sténopés de la série « Rome Ruins » (1978) dans la lignée des procédés photographiques primitifs réinvestis par R. Graham, ces « upside down trees » sont aussi pour lui « une forme de stratégie ready-made, basée sur l’assertion discutable qu’une photographie n’est pas de l’art, mais qu’une photographie à l’envers en est bel et bien »(2). (1) « Ma méthode consistait en la création d’un nombre de boucles musicales irrationnelles fondées sur les 14 nombres premiers entre 3 et 47. Je commençais en ajoutant aux sept mesures avec lesquelles le passage n° 89 de Wagner débute… un total de 40 mesures afin de créer un “nouveau” passage de 47 mesures. Ensuite, en travaillant du haut de la partition vers le bas au n° 89, j’assignais des valeurs de nombre premier dans un ordre ascendant de la 37e à la 47e mesure à chacun des 14 passages instrumentaux de l’orchestre. Ainsi, je faisais répéter aux flûtes les 3 premières mesures du passage à 47 mesures, tandis que le second hautbois répétait les 5 premières mesures, le premier hautbois les 7 premières mesures, le hautbois alto les 11 premières (7 mesures et 4 mesures de repos), les premiers et seconds cors les 13 premières…. ». (2) Entretien avec Anthony Spira, Whitechapel Art Gallery, 2002. |
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