Gilbert Gendre se dit plasticien un terme qui définit idéalement son activité au sens où il montre bien qu'elle ne participe pas d'un genre défini (sculpture, peinture...) mais qu'elle obéit à une vision du monde susceptible de trouver application dans des registres différents pour leur donner une unité symbolique .
Après une formation de décorateur et un emploi dans une fonderie d'art, G. Gendre débute sa carrière par des sculptures et des assemblages qui relèvent de l'expressionnisme. En 1989, il se détache de ce langage subjectif au profit d'un répertoire de formes géométriques simples. Loin de toutes préoccupations formalistes, G. Gendre aspire alors à redonner à l'expression artistique une dimension symbolique universelle. L'arc de cercle, le carré, le triangle, l'horizontale, la verticale, deviennent les supports d'un ordre des choses, abstrait, mais capable du fait même de sa simplicité de créer le contact avec des valeurs spirituelles. Cette vision n'est pas sans rappeler les origines mêmes de l'abstraction, au moins dans l'aire culturelle nordique : ses liens avec le symbolisme, qu'il s'agisse par exemple de la « nécessité intérieure » de Kandinsky ou de la volonté de Mondrian de faire du tableau le lieu d'expérimentation d'une vision à projeter sur le monde. Chez G. Gendre, cette aspiration se traduit notamment dans des figures qui évoquent le passage, l'accès (voir ses variations sur le thème de la porte). Mais le symbolisme détermine aussi son rapport aux matériaux : le bronze et le marbre sont convoqués pour leur durabilité et confirment la volonté de G. Gendre d'inscrire ses formes archétypales dans un rapport à l'intemporalité, à une pureté sans âge. Quant au verre et à l'aluminium, ils témoignent d'une ascèse vers l'immatérialité qui se retrouve dans ses derniers tableaux. En tant que plasticien, G. Gendre investit une part importante de son activité dans des interventions pour l'espace public, comme celles qu'il a réalisées pour la Caisse de prévoyance du personnel de l'État de Fribourg, « Fusion de portes blanches » (1991), et les aménagements de surface d'une place de Carouge (1994-1995) où il apparaît clairement que l'intention spirituelle imprègne toute la configuration de l'espace. Que la même couleur soit employée pour le banc et pour les poteaux, qui rythment abstraitement l'espace et clôturent comme un rideau l'extrémité de l'espace donnant sur le théâtre, en est un signe patent.
Les dernières toiles de G. Gendre sont réalisées à partir de schémas que l'artiste conçoit par ordinateur. L'absence de systématicité en est paradoxalement le trait distinctif, comme si c'était précisément dans la rupture du système (autant que dans l'ascèse et l'évanescence de ces grilles) que le travail se mesurait à la possibilité d'accéder à une autre dimension. Un éventail plus large des dessins ayant servi de base à ces peintures est présenté dans un livre qui paraît à l'occasion de cette exposition. |