Les dessins de Vidya Gastaldon semblent être le produit d’hallucinations. Ses paysages permettent d’aborder le passage de l’infiniment grand à l’infiniment petit, de percevoir simultanément le macrocosme et les grouillements de sa constitution cellulaire. L’univers que décline V. Gastaldon au travers de ses dessins, mais également de ses sculptures et de ses films, est constitué de matière vivante, en constante mutation, en constante transmigration. Cette vision peut être qualifiée de « naturiste », en opposition à « naturaliste ». Biologie. Écologie. Cosmologie. Cosmogonie. Chaque paysage représente un niveau de conscience du monde, un principe de connaissance qui, le plus souvent au sein d’une même feuille, se multiplie, se diversifie, se convertit, selon une logique non linéaire, propre au trait de l’artiste.
Les Upanishads, où une bulle de Lumière se mélange à la boue primitive pour engendrer la vie. La danse de Shiva. L’Arbre de Vie de la Kabbale. Mais aussi : les Barbapapas, des Smileys à foison, et Darth Vador, le méchant de « Star Wars ». Prélevés indifféremment de champs érudits et populaires, ces motifs cohabitent en parfaite harmonie. Les Smileys incarnent ici le Rire Cosmique, principe de non-dualité, par-delà le bien et le mal, et Darth Vador est transmuté pour l’occasion en « Bright Vado », dont le souffle génère de la lumière pure. Réciproquement, Noun, la baleine cosmique qui vomit l’Océan Primordial, semble ici issue d’un dessin animé de Miyazaki plutôt que d’un manuscrit sacré hindou.
Ce syncrétisme n’a rien d’ironique, n’engendre aucun discours distancié sur le devenir idéologique de ces signes. Toute image, d’où qu’elle vienne, est avant tout considérée pour sa valeur d’usage, sa capacité à transformer le quotidien, à participer à l’élaboration d’une vision qui, bien que cryptée, se veut radieuse et bienfaisante. C’est en cela que cette œuvre peut-être considérée comme réellement « psychédélique ». Apparu au début des années 1960, le psychédélisme fut un gigantesque mouvement populaire de démocratisation de savoirs sacrés (venus d’Orient), scientifiques (l’acide lysergique diéthylamide), et avant-gardistes (le Surréalisme européen), rejoués laborieusement en chambre par toute une génération d’adolescents décidés à refaire le monde un monde dont la transformation passerait par l’affranchissement, chez soi, de soi. Cette conception émancipatrice et domestique de l’art, son apprentissage via la maîtrise progressive de techniques artisanales aussi déconsidérées qu’ardues, est au cœur de la pratique de V. Gastaldon, dont chaque sculpture demande des centaines d’heures de tricot et de broderie, et dont les films sont, littéralement, réalisés sur ses genoux à l’aide d’un ordinateur portable.
En plus d’une centaine de dessins, l’artiste présentera son nouveau dessin animé, « Le Rééquilibreur énergétique » (2005), inspiré d’une machine éponyme utilisée en géobiologie, science parallèle étudiant les effets des « ondes de forme » sur le corps humain.
Fabrice Stroun
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