Les Makonde sont un peuple Bantou qui habite les hauts plateaux arides du Nord du Mozambique et du Sud de la Tanzanie, des deux côtés de la rivière Ruvuma. C'est un peuple inquiet, fébrile, hanté par un mode de pensée qui donne des explications magiques aux mystères de la vie. Les Makonde pratiquent le culte des ancêtres, en particulier de la mère. Leur sculpture traditionnelle, liée à la religion, remonte à un lointain passé.
Les guerres de conquête coloniale ont amené une première rupture dans cette filiation traditionnelle ; après la colonisation, la sculpture s'est vue traitée comme un art. Les Makonde du Mozambique ont joué un rôle majeur dans cette évolution, libérant la sculpture de ses liens avec le culte des ancêtres, permettant aux artistes de jouer de manière personnelle et créative avec les matériaux et les compétences acquis dès l'enfance.
Dans les années 1950-1960 s'est développé un groupe d'artisans pour les besoins du tourisme. Un petit nombre d'artistes exceptionnels, toutefois, sont partis s'établir en Tanzanie, attirés par une économie plus florissante. C'est là qu'ils ont commencé à travailler un bois d'ébène très dur, nommé 'mpingo' en Swahili, et changé radicalement les formes traditionnelles. Samaki, Jacobo, Madanguo, Dfastani, Kashimir, Matei, Anangola, John Fundi et d'autres artistes ont créé et amélioré les styles 'shetani' et 'ujama'.
La sculpture de style 'ujama', au service de buts communautaires, prend la forme d'un arbre de vie une sorte de colonne constituée de créatures réalistes et fantastiques entièrement imbriquées les unes dans les autres qui manifeste une conscience élevée de l'existence collective. « Rikanpoga » appartient à ce style de sculpture. De face, elle représente un fermier ; de dos, un champ de maïs.
Bien que J. Fundi soit originaire des hauts plateaux du Mozambique, centre de la culture Makonde, où ses images se sont forgées, c'est en Tanzanie qu'il a créé l'essentiel de son œuvre, travaillant dans le style 'shetani'.
La sculpture 'shetani' s'intéresse aux cultes de possession, avec leurs bons et leurs mauvais esprits : des forces qui donnent accès au royaume du surnaturel. Avec « Sindamama », Fundi fait le portrait d'un sorcier. Il perçoit le mal en lui et essaie d'y remédier à l'aide d'un serpent et d'une bouteille de médicament qu'il se verse dans l'oreille.
Il n'est pas facile de caractériser l'œuvre de « Johnny Walker », surnom favori de John Fundi, jouant sur l'ambiguïté entre le buveur de Scotch et le voyageur céleste. Quand on lui demandait quelle était sa source d'inspiration, il aimait répondre qu'il soupçonnait son esprit de s'évader furtivement la nuit pour prendre part à des réunions secrètes. Marquée par une personnalité agitée et fantasmagorique, son œuvre décrit des bons et des mauvais esprits qui sont invariablement envoyés dans le monde avec une sorte de difformité celle-ci évoquant la sexualité de manière symbolique et poétique.
L'univers surnaturel de ces démons semble gouverner J. Fundi, dont l'art nous confronte aux archétypes de son inconscient et à son sens du sacré.
André Magnin
(Traduction Roger Gaillard)
Éd. Abrams, New York, 1996
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