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  David Claerbout

exposition temporaire
Performed Pictures   

David Claerbout 1
David Claerbout 2
David Claerbout 3

King, 2015 (image extraite du film)
(d’après une photographie d’un jeune homme
nommé Elvis Presley prise en 1956 par Alfred Wertheimer)

Long Goodbye, 2007 (image extraite du film)
Court. MAC—Communauté française

The Algiers’ Sections of a Happy Moment, 2008
(image extraite du film)
Court. Collection Guy Bärtschi, Genève
David Claerbout, Performed Pictures

in cycle Des histoires sans fin, séquence été 2015
du 10 juin 2015 au 13 septembre 2015


Performed Picturesest la première rétrospective de l’œuvre de David Claerbout. Artiste belge apparu sur la scène internationale à la fin des années 1990, D. Claerbout fait des films, des photos et des dessins, autant de techniques présentées au Mamco. L’exposition couvre aussi un large spectre chronologique puisque y sont visibles des images datant de 1996, de même que son dernier film, King, achevé en 2015. Au total onze projections vidéo sont montrées qui ont, toutes, une commune ambition : faire du temps une dimension à part entière de l’espace.


Au moins trois éléments structurent le travail de D. Claerbout. Le rapport au temps, tout d’abord, qu’il partage avec plusieurs autres artistes de sa génération comme Douglas Gordon notamment, et qui se déploie selon plusieurs modalités. Le temps plastique est notamment de la durée pure qui peut parfois conduire à un format d’exposition particulièrement dilaté. Par exemple, Bordeaux Piece (2004) est une œuvre qui dure près de quatorze heures, si bien que ce film est invisible en totalité (personne ne peut rester autant de temps devant une projection). La perception du temps est aussi liée à un certaine lenteur des images, de leur défilement, si bien que l’on est pris par un spectacle qui s’imprime d’autant plus dans notre mémoire visuelle qu’il aura pris le temps d’apparaître,  cela même si le film ne dure que quelques minutes (c’est le cas de Long Goodbye (2007), par exemple, de la projection en boucle The Algiers’ Sections of a Happy Moment (2008), ou encore de OilWorkers (2013), véritable objet visuel décortiqué par la lenteur de la prise de vue). Enfin le temps est aussi celui de l’histoire et de l’archive. D. Claerbout utilise en effet souvent des images trouvées en bibliothèque ou sur Internet. Ces photos deviennent le point de départ de projections qui mêlent la fixité de la photographie source et la mobilité du film (l’œuvre est à la fois immobile et bouge en partie, certains de ses motifs étant animés par D. Claerbout), mais qui mêlent aussi le passé de la prise de vue et le présent de sa projection. C’est comme si le présent se saisissait du passé pour réinjecter  du temps — de l’actualité — en lui (ainsi en va-t-il dans Ruurlo, Bocurloscheweg, 1910 (1997)). Un autre élément qui traverse ce travail est l’utilisation qui y est faite de la nuit et des ombres. Très vite lorsqu’il commence à développer son œuvre, D. Claerbout plonge dans les ténébres pour inventer des images. Cela le conduit quelques années plus tard à faire photographier Venise de nuit et à exposer ces vues dans une salle peinte en noir et non éclairée (Venice Lightboxes (2002)). Il s’agit alors pour le visiteur de voir la nuit dans la nuit, d’acclimater son œil — et donc son corps — à un contexte nocturne dans lequel il est cependant possible de discerner quelque chose du monde, à condition d’accepter de prendre le temps de poser son regard. L’œuvre devient ainsi un véritable seuil perceptif qui met les sens — et le sujet percevant — à l’épreuve de leurs propres limites. Dans d’autres travaux, ce sont les ombres elles-mêmes, celles du soleil pendant sa course, celles produites par la lumière du jour dans une architecture de verre (Shadow  Piece (2005)), qui font office de véritables portants plastiques comme si elles conditionnaient la structure même des films. Et ne lit-on pas dans l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien que les ombres sont à l’origine même de l’invention de la peinture et de la sculpture, qu’elles sont donc des formes principielles ?

Enfin, même si D. Claerbout fait des films, il ne fait pas à proprement parler du cinéma. Chaque projection, ou presque, peut être vue dans un espace d’exposition en circulant dans ce dernier d’une œuvre à l’autre selon son bon vouloir (ainsi Performed Pictures peut être considérée comme une flânerie, une traversée en mouvement des pièces de D. Claerbout). C’est dire que la vision de ces œuvres, qui n’ont généralement ni début ni fin, échappe au cadre strict de la séance de projection habituelle. La mise en espace devient donc ici un élément essentiel de la rencontre avec ces objets temporels : elle permet au temps d’apparaître, elle le rend visible. Voilà pourquoi D. Claerbout, comme d’autres artistes de sa génération (Mark Lewis, Mélik Ohanian, Anri Sala), propose un cinéma déterritorialisé : des images en mouvement qui transforment le cinéma et son histoire en faisant du film un véritable objet plastique pour lequel la question du lieu est au moins aussi importante que celle de l’écran.


David Claerbout est né en 1969 à Courtrai, Belgique ; il vit à Anvers et Berlin.