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  Marie José Burki 

présentation des collections / archives
en 1994  

 
 
 



 

 





Marie José Burki

 

Marie José Burki, qui vit et travaille actuellement à Bruxelles, a poursuivi une formation parallèle à l’Université et à l’École supérieure d’arts visuels de Genève. Son travail mêle la photographie, la sérigraphie, les objets et la vidéo, avec une nette prédominance pour ce dernier médium. Qu’il s’agisse de bandes ou d’installations vidéo, M.J. Burki s’intéresse prioritairement aux rapports entre les mots et les images ; les structures narratives, les métaphores, les jeux de langage sont déconstruits en vidéo dans des pièces d’une très grande simplicité formelle. Les installations s’inscrivent géométriquement dans l’espace avec évidence, la neutralité des images et les aspects répétitifs, voire tautologiques des bandes sonores contribuent, par leur sobriété même, à faire jaillir le sens et l’émotion.


Ayant simultanément poursuivi des études universitaires à la Faculté des lettres de Genève et une formation artistique à l’École supérieure d’arts visuels de cette même ville, Marie José Burki a toujours accordé à la littérature et plus généralement au langage une place prépondérante dans son travail d’artiste. Étudiante chez Silvie et Chérif Defraoui, elle réalise en 1985 une bande de onze minutes, « Celui qui a vu passer les éléphants blancs », qui sera primée dans de très nombreux festivals, et qui appartient aujourd’hui à des vidéothèques (Kunsthaus, Zurich ; Saint-Gervais, Genève). En 1986 et 1987, elle réalise plusieurs installations vidéo, exposées notamment à la Kunsthalle de Berne (« Von Bildern », 1986), au Centre d’art contemporain de Genève (1987) et au CNAC Le Magasin de Grenoble (« 19&& », 1988). Ces premiers travaux embrayent immédiatement sur une problématique sous-jacente à l’ensemble de la démarche de M.J. Burki, à savoir les jeux et les enjeux possibles dans le passage des mots aux images ou des images aux mots.
Dans les bandes et installations de cette première période, la composante visuelle du travail (images et objets installés) fonctionne comme métaphore engageant à découvrir de nouvelles significations au discours. L’installation « Sans titre » (1988) exposée à Grenoble est représentative de cette démarche : à même le sol, un moniteur sur l’écran duquel défile en boucle un montage d’images d’actualités télévisées ; à ses côtés, le magnétoscope, « déguisé » en pied d’éléphant grâce à un enveloppement de câble (le câble même qui le relie au moniteur) et à quatre petits hauts-parleurs figurant les ongles. L’image de l’éléphant renvoie métaphoriquement au gigantisme des médias, à la question de la mémoire qu’ils prétendent représenter pour notre temps ; la fluidité et la rapidité du montage des images d’actualité démontre qu’à l’opposé de leur désir de pérennité, les médias n’existent que dans le fugitif, le périssable. La simplicité du dispositif (rien n’est caché, tous les éléments techniques sont travaillés esthétiquement) contribue au dynamisme de la pièce qui cristallise sur le plan formel un questionnement assez théorique au départ.

Lors d’un séjour d’une année au Studio PS One de New York (1989-1990), M.J. Burki réalise une nouvelle bande « Reading Over and Over » (1990) qui pose plus précisément la question de l’espace d’une œuvre, en se basant sur l’incipit de « L’Homme sans qualités » de Robert Musil ; elle écrit le scénario d’une autre bande « C’est un grand mot que cela » (1991) qu’elle réalisera dès son retour en Suisse. Basée sur « Jacques le fataliste » de Denis Diderot, cette bande est une interrogation narrative sur la déambulation, comprise à la fois comme déroulement dans le temps et déplacement dans l’espace.
En même temps, elle travaille à une série d’installations, dont la première « Animaux » (1991, coll. Musée d’Art contemporain de Lyon) sera montrée durant les manifestations de la commémoration du 700e anniversaire de la Confédération Helvétique. Dès 1992, cette œuvre et d’autres sont regroupées sous le titre « Vidéaux » lors d’une exposition homonyme au Centre d’Art contemporain Le Creux de l’Enfer (1992, Thiers, France). Cette série d’installations fonctionne sur des principes très simples : à la Documenta 9, deux installations similaires, « Animaux » (1991) et « A.ni.maux » (1992) avaient été placées face à face dans l’entrée d’une des salles d’exposition. Deux moniteurs, posés sur des socles bruts à hauteur d’homme, marquaient le lieu de passage forcé des visiteurs. Sur le premier, la tête d’un comédien répétant, à intervalle régulier et sur un ton neutre, le mot animaux ; sur l’autre, des images de têtes, ou plutôt de regards d’animaux filmés dans des zoos, et la même voix de comédien répétant le mot animaux. Cette double installation de la Documenta 9 peut se lire comme le centre de gravité à partir duquel la démarche créative de M.J. Burki a véritablement pris toute sa dimension artistique. La radicalité du propos et son humour, qui peuvent faire penser à Bruce Naumann, sont supportés par une inscription spatiale, symbolique dans le médium vidéo et effective dans l’espace muséal qui, plus qu’un simple dispositif, a la force d’une architecture.

Tout dans ces travaux et dans ceux qui ont suivi – exposés notamment en Belgique, Galerie Zeno X, Anvers, 1993, Galerie Bruges la morte, Bruges et Museum van Hedendaagse Kunst, Gand, 1994 – fonctionne sur le mode de la « litote » : en dire ou en montrer moins pour en signifier plus. La présence récurrente des animaux, par exemple, est très clairement articulée ; il y a les images d’animaux, et les noms d’animaux, qui sont aussi, à leur manière, des images. De l’image au mot, c’est l’éventail des rapports ambigus que nous entretenons avec les animaux qui est représenté : de l’incompréhension totale à la sensiblerie la plus stupide. Par extension, c’est le rapport que nous entretenons avec notre propre recherche d’identité humaine qui se joue. Mais dans les œuvres de M.J. Burki tout cela est davantage suggéré que démontré. Les installations déploient, dans l’espace et dans le temps, les différents termes de la question.
La bande vidéo la plus récente de M.J. Burki, « De temps à autre » (1993), articule cette problématique de l’espace et du temps. Sur des images, en plans panoramiques, de paysages vides (déserts), surmontés de ciels immenses, des mots s’inscrivent, comme : « somewhere » (quelque part), « elsewhere » (ailleurs), « nowhere » (nulle part), ou « sometime » (parfois), « ever » (toujours), « never » (jamais). Les mots représentent des points de repère dans l’espace-temps, qui n’est pas une notion abstraite mais qui « est » le désert balayé par le vent, traversé de loin en loin par une voiture. Avec cette bande, c’est au point d’où part le regard que toutes les problématiques se nouent. Regard de la caméra, mais surtout regard du spectateur oscillant, comme le font les plans panoramiques, d’un mot à l’autre, d’un niveau à l’autre : dans l’intervalle, l’immuable présence de la nature, de la pierre et du ciel, comme des écrans sur lesquels notre pensée, ou notre rêverie, peut rebondir.

Tout le travail de Marie José Burki est fondé sur des écarts : des mots aux images, mais aussi d’un mot à l’autre, d’une image à l’autre. C’est donc dans la distance qui le sépare de l’œuvre que le spectateur trouvera un espace pour voir, pour entendre, pour penser.

Lysianne Léchot


Marie José Burki est née en 1961, elle vit à Bruxelles.
www.mjburki.be