Installés dans la banlieue de Turin, Botto e Bruno photographient des bâtiments industriels abandonnés, des immeubles aux façades si décapies quils semblent désaffectés, des lieux désertés, des rues dont lasphalte mal entretenu laisse stagner quelques flaques deau, des adolescents, dont on ne voit jamais vraiment le visage. Leurs corps habitent ce monde péri-urbain mais leur être demeure esseulé, protégé dans leur monde musical.
Exprimant clairement leur doute sur lobjectivité de lenregistrement photographique « Nous pensons que les images sont des instruments dangereux : on sait bien comment on peut facilement s'habituer à une image la plus extrême et la plus violente » Botto e Bruno cherchent « à opérer une vraie déconstruction de la photographie à travers ses moyens et ses matériaux ». À partir des nombreuses séquences photographiques de leurs reportages quils archivent en quatre sections (les architectures, les personnages, les terrains inondés, les ciels), Botto e Bruno recomposent des périphéries urbaines dont aucune nest la reproduction dune banlieue existante. Traitant leurs prises de vue comme des « fragments de réalité », ils procèdent (sans recours aux procédés numériques) par des montages, des retouches, des juxtapositions, des « surimpressions », des décalages qui recréent des lieux fictifs dont la force de persuasion nous porte à les confondre avec une certaine réalité.
Leur montage est ensuite agrandi à l'échelle 1/1 (Vutek ou jet d'encre sur PVC ou papier) dont ils tapissent, souvent entièrement, lespace dexposition : « Under My Red Sky », Palazzo delle Esposizioni à Rome (2000), Biennale de Venise (2001). Pour leur exposition monographique au Mamco, « Walls place », Botto e Bruno ont décidé doccuper la totalité des espaces qui constituent « La Rue » en se servant des murs comme support direct de leurs montages. Les fragments ne reconstituent plus une photographie monumentale mais tapissent les murs et le sol. Totalement transformé, unifié par les nombreux « papiers » sur lesquels sont inscites de petites phrases extraites des musiques quécoutent les adolescents penchés sur des vinyles, lespace est devenu le lieu même dune fiction déconcertante par sa proximité avec une réalité irréductible à sa nomination.
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